28 novembre 2007

Mon p'tit cinoche à moi # 3

In memoriam Paul Meyer

Dans un pays minuscule aveugle aux prémisses de son inexorable déclin, Paul Meyer opposa à la bonne conscience des puissants la pure et belle assurance d’un vrai regard d’artiste.
Il fut l’épine dans la fesse du conformisme, le chat dans la gorge du discours officiel, et le paya très cher.
Lâché à plusieurs reprises par ses commanditaires aux ordres de la raison d’état, méprisé, censuré, jeté aux oubliettes, sa carrière de cinéaste ne fut qu’une longue traversée du désert.
Au programme de ma bonne vieille petite salle ce soir, flash-back sur Cannes 1959. Déjà s’envole la fleur maigre éblouit le festival de sa chaleureuse humanité, de sa rayonnante poésie, et fait pleurer Lucchino Visconti en personne. Puis disparaît des écrans pour plus de trente ans.
Lorsque enfin nous pûmes le voir, le monde avait changé. Mais nous aussi avons pleuré...
Vénéré par les plus grands cinéastes du XXe siècle, Paul Meyer, décédé il y a quelques semaines à l’âge de 87 ans, restera dans nos cœurs comme un éblouissant poète de l’image, un combattant sincère, et l’auteur d’un des films les plus marquants de toute l’histoire du 7e art.

Borinage...
charbonnage...
chômage







Déjà s’envole la fleur maigre , 1959

01 novembre 2007

La Meuse en son lit naturel

Du plus loin que je me souvienne, c’est à chaque fois un émerveillement. Ici, on dit le chômage de la Meuse, par référence aux métiers de la batellerie contraints à l’inactivité pendant les quelques semaines où le cours du fleuve est ramené à son débit naturel afin de permettre les travaux de réfection des berges, barrages et autres ouvrages.
J’ai appris depuis que ce mot aux syllabes traînantes évoquait un destin bien plus sombre pour des millions de gens. Mais pour qui a passé son enfance sur les rives de cette partie du cours de la Meuse, le chômage reste une parenthèse enchantée, une brèche dans le temps, livrant à nos regards mille secrets habituellement immergés sous la surface lisse et paisible du fleuve.
C’est un peu comme si la mer était soudain devenue toute proche, c’est un peu comme à marée basse, on descend fouler le lit du fleuve, sauver quelques poissons pris au piège, cueillir des écrevisses désemparées, on bute sur les reliques de notre société du tout à jeter : bouteilles, vieux pneus, plastiques et ferrailles, vélos rouillés, poussettes de supermarché… Et à chaque fois, on redécouvre des cascatelles d’eaux vives, des roches massives comme échouées au milieu de fleuve, l’embouchure de ruisseaux insoupçonnés jaillissant des quais de béton, les dunes de vase en amont des écluses, les hauts-fonds naturels dans les passes droites des îles, parfois la trace fugace de siècles oubliés.
Et quand tout se retrouve à nouveau englouti sous quatre mètres d’eau, il ne nous reste qu'à nous bercer du souvenir de ces images anachroniques et éphémères. Et à attendre la prochaine fois.