06 janvier 2007

So long, Lansdowne Road

C’était le premier stade de rugby du monde, construit l’année où Edison inventa l’ampoule électrique… C’était le plus vétuste, avec ses populaires ouvertes au vent glacial de l’hiver irlandais, sa buvette à colombages, la gare de chemin de fer sous la tribune ouest et le passage à niveau juste à côté. C’était le dernier à avoir échappé aux pelleteuses et aux ambitions des grands bureaux d’architecture qui parsèment la planète de leurs Colisée futuristes.
Lansdowne Road est mort.
A l’âge vénérable de 130 années, l’enceinte mythique du sud de Dublin était devenue une relique, comme l’écrivait récemment un chroniqueur sportif écossais.
Après le Parc des Princes déserté par les Bleus au profit du Stade de France, mais qui revit épisodiquement grâce à la Coupe d’Europe et au Stade Français ;
Après Twickenham détruit puis reconstruit, qui vibre à nouveau aux exploits du XV à la rose ;
Après Murrayfield qui dans ses habits neufs laisse encore chanter son âme d’antan lorsque la cornemuse entonne Flower of Scotland ;
Après Arms Park, devenu le très pompeux et très impersonnel Millenium Stadium, où les musiques passe-partout déversées à tue-tête par les haut-parleurs high-tech ne remplaceront jamais les chœurs envoûtants du peuple de Galles qui repartaient de plus belle si par extraordinaire le pack rouge reculait en mêlée ;
Dublin à son tour aura donc bientôt une arène flambant neuve, un nouveau temple du rugby, où le peuple d’Irlande, uni sous le ciel d’ovalie, rugira comme avant aux assauts des hommes au trèfle.

Avec cette légendaire fusion de fighting spirit et de respect de l’adversaire, comme en ce magnifique après-midi de février 1973 (un an après l’annulation des matches du Tournoi suite au Bloody Sunday de Derry) où l’équipe d’Angleterre, qui avait courageusement bravé les menaces en acceptant de venir jouer à Dublin, battue par l’Irlande, reçut à l'issue de la rencontre une standing ovation des fidèles de Lansdowne Road.
May the spirit live on !