04 août 2006

Avioth, encore et toujours

J’y suis retourné. Comme chaque année ou presque. Entre Gaume et Lorraine, par la route que je préfère, une de celles venant du sud, comme pour mieux l’apprivoiser quand au sortir de Thonnelle ou de Verneuil-Petit on aperçoit soudain sa silhouette flotter par-dessus la cime des arbres puis, à mesure qu’on s’approche, sa masse de grès jaunâtre écraser les quelques dizaines de maisons du village.

Oh bien sûr, ce n’est pas le Mont Saint-Michel, ce n’est pas Reims, Chartres ou Paris. Aucun roi de France n’est venu se faire couronner ici. C’est une « cathédrale des champs », anachronique, orpheline, comme échouée entre terre et nuages.

L’Eglise catholique en a fait une basilique dédiée à Notre-Dame patronne des causes désespérées en mémoire de quelque guérison miraculeuse ; le dépliant du Service des Monuments historiques de la République française vante le foisonnement gothique de son décor sculpté.

Mais avec sa fausse symétrie, ses gargouilles rongées par les lichens, avec les herbes folles qui poussent aux interstices des pierres, le kaléidoscope de ses vitraux, l’endroit est un envoûtement. Son immobilité, son silence révèlent à qui veut bien l’entendre une part du mystère du début des temps. Au croisement de forces cosmiques et telluriques, Avioth est un frémissement païen venu redire à l’homme sa place minuscule et éphémère dans l’univers.